Jugement du TGI de Paris du 12/07/2006
Les faits
Le site de GOOGLE FRANCE, le moteur de recherche google.fr propose des liens commerciaux. Un site ayant un tel lien commercial est référencé sous une bannière intitulée "liens commerciaux", à chaque recherche faite par le moteur de recherche sur des mots-clés choisis par l'annonceur. Ce système de publicité est dénommé adwords.
Le GIFAM (Groupement Interprofessionnel des Fabricants d'Appareils d'Equipement Ménagers) et plusieurs des sociétés adhérentes ont constaté que Google proposait à ses clients annonceurs une liste de mots-clés parmi lesquels figuraient des marques enregistrées aux noms de fabricants d'appareils ménagers, comme "Vedette", "Brandt", "Moulinex"...
La recherche dans google.fr de ses marques affiche ainsi des liens commerciaux pour quatre types de sites :
- des revendeurs de produits électroménagers,
- des sites d'enchères,
- des sites de comparaison de prix, et
- des sites sans lien avec l'électroménager.
Le 18 juillet 2005, le GIFAM et les sociétés ont assigné la société GOOGLE FRANCE en contrefaçon de marque, interdiction et indemnisation.
Sur la responsabilité de Google
La société Google proposant les marques dans la liste des mots-clés, elle ne peut pas prétendre à sa non-responsabilité selon la Loi 2004-575 du 21/06/2004 sur la Confiance dans l'Economie numérique selon laquelle les personnes qui assurent le stockage de données ne sont pas responsables de leur contenu.
Sur la contrefaçon des marques et/ou l'atteinte aux marques notoires
- par le générateur de mots-clés
Le tribunal considère que le fait de proposer à des annonceurs des marques en tant que mots-clés n'est pas un acte de contrefaçon. En effet, Google ne peut pas savoir a priori si l'annonceur n'est pas un distributeur ou un licencié.
- par les annonces publicitaires
Selon le tribunal, seul l'annonceur en choisissant le mot-clé et l'internaute en le tapant pour faire sa recherche vont mettre en lien le signe (le mot-clé) et le produit désigné par la marque. Dès lors, la responsabilité de Google lors de l'affichage des liens commerciaux ne peut être recherchée sur le fondement de la contrefaçon de marque.
Sur la responsabilité civile de la société GOOGLE du fait du système "adwords"
Conformément à l'article 1382 du Code Civil, pour que la responsabilité soit reconnue il faut montrer la faute, le préjudice subi et le lien entre les deux.
- la fautede Google a été reconnue par le Tribunal car la société ne vérifiait pas après le choix des mots-clés si l'annonceur avait des droits sur les marques choisies, d'autant que toutes les marques en question sont des marques de renommée, ce qui facilitait, selon le Tribunal, le contrôle préalable,
- le préjudice à l'encontre des sociétés n'a pas été démontré, ces dernières n'ayant pas fourni d'analyse de la licéité ou de l'illicéité de l'usage de leurs marques par les annonceurs,
- le préjudice à l'encontre du GIFAM a été reconnu, celui-ci ayant pour objet de défendre les intérêts collectifs des industries.
Sur la publicité mensongère
Selon les dispositions de l'article L.115-33 du Code de la Consommation, les titulaires de marques peuvent s'opposer à ce que des textes publicitaires citant leur marque soient diffusés lorsque l'utilisation de cette marque vise à tromper le consommateur ou qu'elle est faite de mauvaise foi.
Le Tribunal a considéré que l'intitulé "liens commerciaux" est trompeur car il porte l'internaute à croire qu'il existe un lien commercial entre le site cité et la marque recherchée en tant que mot-clé. Or, selon le constat produit par le GIFAM, il apparaît dans les liens commerciaux des sites ne proposant pas de produits de la marque recherchée.
Ainsi, la société Google, en choisissant le terme "liens commerciaux" pour présenter les annonces publicitaires de sites dont certains n'ont pas l'autorisation d'utiliser les signes utilisés comme mots-clés, a commis des actes de publicité mensongère.