SUR RENVOI APRÈS CASSATION, par arrêt de la Cour de Cassation, d’un arrêt de la Cour d’appel de PARIS sur recours formé à l’encontre d’une décision de l’Institut National de la Propriété Industrielle (décision de rejet de demande d’un certificat complémentaire de protection)
La société X et M. H, professeur et chercheur en médecine, prix Nobel de médecine, ont déposé conjointement une demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n°16C0088 portant sur le produit « nivolumab », sur le fondement du règlement CE n°469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.
Cette demande a été faite sur la base du brevet européen n° EP 1 537 878 (ci-après, le brevet EP 878) ayant pour titre « Compositions immunostimulantes ». Le brevet EP 878 est la copropriété de la société X et du professeur H.
L’INPI a rejeté la demande de CCP aux motifs, d’une part qu’il existe un autre CCP (15C0087) portant sur le même produit au nom de la société X alors qu’un même titulaire ne peut se voir octroyer plusieurs CCP pour le même produit (article 3 c) dudit règlement), et d’autre part que le produit objet du CCP n’est pas protégé par le brevet de base n° EP 1537878 (article 3 a)) du règlement n° 469/2009 du 6 mai 2009).
Sur le motif de rejet fondé sur l’article 3 c) du Règlement
Selon la décision contestée, le Directeur Général de l’INPI a considéré que la société X avait déjà obtenu un CCP n°15C0087 pour le nivolumab sur la base d’un brevet EP 2 161 336 (ci-après, EP 336) dont elle est co-titulaire avec une société Y, ce qui constituait un obstacle à l’obtention d’un nouveau CCP pour le même produit demandé sur la base du brevet EP 878. L’INPI a estimé que la notion de titulaire d’un brevet ne s’entend pas de l’entité constituée par l’ensemble des co-déposants du brevet de base. Il a précisé que ce motif de rejet ne s’appliquait qu’à l’égard de la société X, le Pr H n’ayant pas déjà bénéficié d’un CCP sur le produit « nivolumab ».
Il résulte de l'article 3 c) du règlement (CE) 469/2009, concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments, considéré au regard de l'article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) 1610/96 concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les produits phytopharmaceutiques, et interprété par la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE), que si plusieurs CCP peuvent être délivrés pour un même produit sur le fondement de différents brevets de base, c’est à la condition que ces CCP soient délivrés à des titulaires distincts des brevets de base, afin de leur permettre d'être chacun récompensé pour les recherches qu'ils ont menées séparément et qui ont conduit à des innovations brevetées.
La circonstance tirée du fait que l'indivision constituée des sociétés X et Y, titulaire du brevet EP 336, est différente de celle constituée entre la société X et M. H, titulaire du brevet EP 878, est inopérante dès lors que les règles du droit civil relatives à l'indivision ne sont pas applicables, le régime de la copropriété des brevets étant défini aux articles L. 613-29 à L. 613-32 du code de la propriété intellectuelle et l'article L. 613-30 précisant que le régime de droit commun de l'indivision résultant du code civil n'est pas applicable à la copropriété d'une demande de brevet ou d'un brevet.
La délivrance du CCP vise à permettre à la personne qui a financé des recherches de bénéficier d’une protection d’une durée suffisante. Cet objectif est donc atteint par l’obtention par la société X du CCP n° 15C0087 délivré sur la base du brevet EP 336 dont elle est cotitulaire avec la société Y.
En conséquence, le recours doit être rejeté en ce qu’il critique la décision du Directeur Général de l’INPI qui a rejeté la demande de CCP n° 15C0088 au motif que le produit nivolumab avait déjà fait l’objet d’un CCP.
Sur le motif de rejet fondé sur l’article 3 a) du Règlement
Selon la décision contestée, le Directeur Général de l’INPI a considéré, au visa de l’article 3 a) du Règlement CE 469/2009 et de la jurisprudence de la CJUE, que si la revendication 3 du brevet de base EP 878 couvre implicitement le nivolumab, cette revendication portant sur un anticorps anti-PD-1 qui inhibe le signal immunodépresseur de PD1 utilisé pour le traitement du cancer, ce qui correspond à la fonction du nivolumab, elle ne pouvait être interprétée, au regard de la description du brevet de base, comme visant ce produit nécessairement et de manière spécifique, la description du brevet ne contenant aucune indication, tel qu’un mode concret de réalisation ou tout autre enseignement permettant d’individualiser spécifiquement le nivolumab.
Le nivolumab ne peut être en conséquence regardé comme un « produit protégé par un brevet de base en vigueur » au sens des dispositions de l’article 3 a) du règlement (CE) n°469/2009 et les requérants ne peuvent dès lors prétendre à l’octroi d’un CCP pour ce produit sur la base du brevet européen n° EP 878 invoqué dans leur demande.
La Cour rejette le recours formé par la société X et M. H à l’encontre de la décision rendue le 2 mars 2018 par le Directeur Général de l’INPI.